08:25am,
C'était en embauchant une démarche fermement décidée que Tae Su s'était dirigée vers la cafétéria du lycée Sejong. Qui elle pourrait y trouver, cela lui importait peu puisque de toutes les manières, les amis n'étaient pas ce qu'elle avait en plus grand nombre. Ce dont elle avait surtout hâte, c'était de retrouver sa place habituelle; cette table à laquelle elle était la plupart du temps plantée, cette table qui avait vu passer la scolarité toute entière de notre jeune héroïne, et enfin, cette table si commune mais que Tae Su estimait tant sans en connaître la raison.

Tête baissée, elle réussit à se hisser entre deux groupes de lycéens, pour finalement parvenir au comptoir. Elle y commanda un café très serré - car elle aimait ce reveil des sens qu'elle parvenait à éprouver à chaque gorgée de ce subtile mélange d'eau et d'arabica - puis partit rapidement prendre place sur la parcelle de canapé libre qui s'offrait à elle, tasse en main. Elle aimait chaque sensation que lui procurait ce moment de la matinée; le moment où les élèves ne remplissaient pas le moindre petit coin de la pièce - même si c'était aujourd'hui quelque peu le cas contraire -, ce moment où elle pouvait se détendre sans avoir la crainte de se faire aborder par un quelconque groupe de jeunes hommes...

Les cheveux bercés par un léger filet de vent, les yeux fixement rivés sur son dessous de verre, elle avait l'air sereine et imperturbable. Elle réfléchissait. Quelle journée Dieu lui réservait-il aujourd'hui? Quelles péripéties allait-elle vivre cette semaine à venir? Exténuée, elle approcha sa poitrine contre le rebord de la table puis s'y laissa aller. Elle croisa les bras et fit mine de s'endormir, afin de se laisser porter à la réflection. Ce café n'était-il donc pas assez fort pour la réveiller, pardi?

Aujourd'hui, Seong Hwan avait l'air de très bonne humeur... lui qui était habituellement froid avec la plupart du monde, était maintenant chaleureux et semblait plein de vie. Le café aura au moins requinqué quelqu'un en ce matin frilleux.

Qu'est ce que elle, elle faisait affalée sur cette table de la cafétéria? Elle n'en avait pas l'ombre d'une idée... tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle aimait venir se relaxer chaque matin, tasse de café en main. Ici, il faisait chaud, et même s'il y avait parfois du monde, Tae Su arrivait à se sentir bien; elle observait la population. Tous ces jeunes, tantôt tourtereaux ne pensant qu'à flirter dans un coin pour en suite filer en douce sans que personne ne s'en aperçoive, tantôt racailles se faufilant de tables en tables avec pour simple envie d'ennuyer les élèves. Car au lycée, c'était comme ça; la plupart des gens, Tae Su ne les appréciait pas. Et même si elle ne les connaissait pas, elle savait éperduement qu'elle ne s'entendrait avec eux pour rien au monde. Ainsi, elle avait fini par devenir l'associale jeune femme qu'elle était. Triste, mais jamais elle ne se verrait assimilée à ces troupes d'adolescents.

Cela faisait environ cinq bonnes minutes que Seong Hwan avait retourné la question à Tae Su. Et cela faisait cinq minutes que Tae Su avait changé de monde, d'univers, de galaxie. Elle aimait à se laisser porter par ses pensées, même si cela devait influer sur le reste de sa vie. Réalisant que Seong Hwan était envieux d'une réponse, elle réflechit quelques secondes durant, puis répondit alors, la voix encore et toujours étrangement peu présente:
« Ah, et ben je suis venue prendre un café... Ça m'arrive régulièrement d'avoir de telles envies, même si comme tu peux le voir, ça ne me réveille pas toujours...»
Elle décrocha un fin sourire qui laissa entre-apercevoir des dents blanches et parfaitement alignées. Ce sourire, c'était un sourire ravageur qui avait longtemps fait envié les jeunes hommes de son âge, lorsqu'elle ne connaissait pas Seong Hwan et les autres. Maintenant... Maintenant elle s'était quelque peu éffacer du reste du monde.

Quant à son habitude, Seong Hwan avait cet air bien pensif qui le caractérisait - ou presque. Plus Tae Su le regardait, plus elle reconnaissait en lui un véritable ami. Un ami comme jamais elle n'en avait eu, un ami comme jamais elle n'en aurait de semblable. Un ami, un vrai. La jeune femme arbora alors un fin sourire, mais ne s'attarda pas davantage dessus. Si Seong Hwan venait à se poser des questions sur la mystérieuse venue de ce sourire, elle s'en trouverait bien gênée - et elle l'était déjà assez comme cela.

Si elle désirait un deuxième tasse de café? Pourquoi pas... Cela pouvait être une idée comme une autre pour tenter de la réveiller. Néanmoins, Tae Su n'aimait pas ce sentiment qu'elle ressentait en cet instant. Elle avait cette impression de deranger, ou bien d'imposer quelque chose à Seong Hwan. Elle, ce qu'elle aimait, c'était affirmer son indépendance. Elle estimait ne pas avoir à vivre sur le dos de quelqu'un. Cette proposition aussi futile fut-elle, la frustra.
« Oh non, ne te derange pas... Je vais y aller! »

Tae Su aurait eu beau s'évertuer à rester à la cafétaria, elle n'aurait pas réussi. Elle était ce genre de personnes à la limite de l'agoraphobie qui ne supportait que très peu le regard des autres. Elle n'avait aucun soucis avec son ego, ah ça non! Mais elle aimait que chaque chose et personne soit à sa place; qu'il n'y ait, pour exemple, pas de groupe de jeunes à scrutter le moindre de ses faits et gestes. Là dessus, Tae Su était vraiment intemporelle et détestable. Si l'on devait désigner l'un de ses plus grands défaut - car Dieu sait qu'elle en avait par dizaine - il serait pour sûr celui de l'intolerance. Un bien triste penchant auquel elle ne pouvait s'empecher de s'adonner...

Les membres tout entiers de Tae Su se contractèrent lorsque Seong Hwan l'entoura de son bras. La jeune fille deumeura frustrée, et ne réussi pas à imposer le courage necessaire dans son âme pour retirer cet imposant bras, tandis que l'homme venait de s'embarquer dans un terrain glissant. Certes, cette approche aurait ressemblé pour tout un chacun à un geste amical similaires aux banals autres gestes qui puissent exister, mais elle apparaissait aux yeux de Tae Su comme une approche beaucoup trop brutale, tactile et intense. Non pas qu'elle se sente mal-à-l'aise dans cette posture, mais ç'en était tout comme. Elle préféra ne rien dire; comme d'accoutumée. Se taire. Et sourire à l'autre, pour montrer que l'on va bien. C'était ce qu'elle savait faire le mieux... le stoïcisme était un des domaines dans lequel elle excellait.